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9 février 2021

Episode 3 - Rien ne sert de courir


Troisième question : "Pourquoi tant d'impatience ?" 
Voyez plutôt... et retrouvez les autres contributions à l'atelier FEUILLETON proposé par AnnickSB, PAR ICI !


Episode 3 - Rien ne sert de courir

Raccrochant le téléphone mural de l’espace d’accueil, le brigadier Fortin aspergea rapidement la vareuse de son uniforme d’un déo en spray bon marché, avant de se précipiter, carnet de notes en main, pour aller frapper à la porte vitrée du bureau du commissaire. A cette heure avancée de la soirée, le commissariat ne comptait plus guère que deux agents de permanence, dont Fortin, et le commissaire Varlotta,  lequel s’attardait de plus en plus fréquemment à son poste, ces derniers temps.
“- Eh bien, Fortin, qu’y a-t-il ?” lâcha le commissaire, sans même daigner lever son nez rivé à l’écran du note-book dont sa fille aînée, Alice, lui avait récemment fait cadeau.
L’agent Fortin lui rendit alors compte des premières constatations établies par les membres de la patrouille alpha-112, sollicitée par les pompiers qui étaient intervenus peu avant, à l’hôtel Grangier, sur les Grands Boulevards.

Un vieux lord britannique avait succombé à une mort plus que suspecte (le médecin urgentiste ayant fermement avancé l’hypothèse d’un empoisonnement). Le décès était survenu à peine plus tôt dans la soirée, en présence du propriétaire du lieu et de son majordome malgache. Ils avaient aussitôt alerté les secours. L’agent Merle et l’agente Ben Lemna, tandem de la patrouille alpha-112, avaient circonscrit les lieux, pris les dépositions in situ des deux principaux témoins et attendaient les ordres.
“- Bon ! fit le commissaire en refermant d’un coup sec l’écran sur le clavier de son petit bijou technologique et bondissant d'un même élan sur ses jambes musclées (bien davantage que sa ceinture abdominale). La semaine s’annonce bien !”
Henri Varlotta, la soixantaine bien trempée, alerte et vive d’esprit, fixa son holster de gaucher sous son épaule droite, se saisit de son veston neuf et de son imperméable décrépit avant de jeter à la face du brigadier Fortin, comme s’il se fût adressé à la cantonade, un enthousiaste : “ Les affaires reprennent !”... Son gimmick perso, connu de tous les services de police ayant eu affaire à lui, à Paris ou ailleurs.
“- Qui est de perm’ avec vous, aujourd’hui, Fortin ? s’intéressa le commissaire.
“- Gaspard, le probatoire, répondit mollement l’agent.
“- Décidément, il en veut celui-là ! se réjouit Varlotta.”
Il était question d’une recrue de l'École de police dont les qualités manifestes, et dûment constatées durant sa période de stage au commissariat, conduiraient certainement le jeune homme à intégrer d’ici peu le corps de la volaille préférée des Français.
“- Bon, sérieux, Fortin; vous m’appelez de suite la Scientifique, voir s’il y a encore du monde dispo, là-bas. Vous leur faites un topo et dites-leur de se tenir prêts. Parce que là, je le sens bien, là. Un crime bourgeois : régalade !”
Le commissaire fourra son arme de service sous son veston et bouscula presque le brigadier pour sortir de son bureau. Avant de passer le sas d’entrée, Varlotta lança à l’adresse de Fortin :
“- Dites, brigadier ! C’est pas beau de fumer au bureau quand les collègues sont partis. Tout ça parce que ça drache dehors. Et puis, changez de déo, mon vieux. Moi, ça va, je supporte, mais votre femme… M’étonnerait pas qu’elle vous pète une durite dans pas longtemps. C'est qu’ c’est jaloux, ces bêtes-là; et pour trois fois rien, des fois. Allez, salut brigadier !”
Fortin ne prit même pas la peine de renvoyer son salut à son supérieur, celui-ci fourrageait déjà dans ses poches devant son véhicule de fonction. Reprenant sa faction derrière le comptoir d’accueil, le brigadier Fortin se fit, une fois de plus, cette réflexion : “Toujours à donf’, le commissaire ! Et il court où, comme ça ? Bah, comme tout le monde, vers sa tombe...”

La nuit avait déjà pris ses quartiers dans les étages, derrière les façades de pierre ouvragées qui font le charme des Grands Boulevards. Dans un trafic quasi inexistant, le chef Varlotta ne fut pas long à rejoindre le tandem alpha-112 sur le lieu de la supposée scène de crime. Il aurait aussi bien pu s’y rendre à pied, on était à deux pas du commissariat, “mais bon…” s’autorisa le commissaire, avec bonhomie.
“Supposée, pardon, môssieu le Proc’... selon moi, vu le cadre bourgeois, nous avons affaire à un crime bien juteux et bien gras… De ceux où j’aime faire mariner ma viande de poulet” pensa Varlotta, l'humeur espiègle, tandis qu’il préférait opter pour les escaliers plutôt que s’engouffrer dans l’une ou l’autre des cabines grillagées de l’ascenseur privé à triple accès, dressé au fond du cossu hall d’entrée et ses marbrures élégantes.

Rendu au deuxième des six étages que comptait l’hôtel particulier de la famille Grangier, le commissaire Varlotta s’enquit avec attention des premiers éléments d’enquête, recueillis par les agents Merle et Ben Lemna de la patrouille alpha-112. Après quoi, il se fit indiquer où il pourrait rencontrer les deux témoins directs de la scène (le personnel de cuisine ayant apparemment vidé les lieux, à peu de choses près, juste au moment de la découverte du corps par les-dits témoins).
“- Le premier témoin, le propriétaire des lieux, est le dernier descendant de la famille, monsieur Sophronyme Grangier, trente-deux ans, releva de ses notes l’agente Ben Lemna pour en informer le commissaire. Le second témoin, âgé de quarante-trois ans, est le majordome - et “homme de confiance”, ainsi que l’a souligné M. Grangier : un certain Arivetso, euh... Zafi-andri-ami-saina, ânonna-t-elle pour finir.”
Le commissaire prit le calepin des mains de sa subordonnée et recopia sur le sien le singulier patronyme, remarquant au passage qu’il avait été inscrit là, de la main même de son détenteur.
Comme il progressait à travers les enfilades de salons bourgeois, devancé par la charmante et efficace Zounia Ben Lemna, Varlotta s’imprégna de cet environnement raffiné, agencé avec un goût certain, dans lequel chaque meuble, statuette ou tout autre élément de décoration, contribuait à une harmonie d’ensemble. Rien de tape-à-l’œil. Seul prévalait ici, dans un souci d’équilibre, la quête de l'esthétisme.
“- Vous ne souhaiteriez pas plutôt voir le corps avant d’interroger les témoins, monsieur ? s’étonna ouvertement l’agente zélée.
“- Mmmh ? Rien ne presse… Rien ne presse, agente Ben Lemna, rétorqua le sibyllin commissaire.”
Varlotta et sa subordonnée parvinrent à l’entrée d’un genre de salon-bibliothèque, situé à l’exact opposé de la pièce où avait été découvert le corps de Sir William Edern Tolhurst, VIIème du nom.
Assis à un secrétaire en acajou, se tenait Sophronyme Grangier, la mine brouillée. Debout derrière lui, accoudé au manteau d’une cheminée muette, Arivetso Zafi Andriamisaina patientait dans une attitude neutre.
“Naturellement neutre ?” se demanda le commissaire.
L’agente Ben Lemna, naguère élevée au grade de major, fit les présentations et se retira.

Après avoir laissé s’installer un court silence, aux fins d’optimiser au mieux la qualité qu’il escomptait pour l’entretien qui allait suivre, le commissaire Varlotta, avisant un coin de la pièce agencé en mini-salon, convia d’un geste les témoins à y prendre place. Et, joignant la parole au geste, Varlotta entama l’audition libre par cette question ouverte et lourde de sens :
“- Qui, selon vous, pouvait en vouloir à Sir William Tolhurst au point d’en préméditer l’assassinat et de l’exécuter précisément ici et ce soir ?”
La question, posée sans préalable, décontenança ses deux interlocuteurs. Mais avant que l’un ou l’autre ne prît la parole, Varlotta, levant sa main gauche en signe d’arrêt, prononça cette phrase ajoutant encore à l’étrangeté de son entrée en matière :
“- Ne répondez pas maintenant, messieurs. Pourquoi tant d’impatience ? La réponse définitive, cela va sans dire, ne viendra pas de vous, mais de moi.”
Tirant son calepin de la poche intérieure de son vieil imper, Varlotta se tourna vers Sophronyme, dont le malaise pouvait être imputable à… n’importe quoi, en fait, à ce moment.
“- Décrivez-moi donc, monsieur, s’il-vous-plaît, comment s’est déroulée cette soirée, disons… depuis l’arrivée du défunt, voulez-vous ? demanda le commissaire avec une décontraction destinée à masquer son extrême attention et l’acuité de sa perception des choses, de l’ambiance et des êtres; bien présent qu'il était, tant par la force de l'expérience que par une prédisposition toute personnelle, et formidablement disponible à l’instant.
“- Certainement, commissaire, consentit aimablement le dernier des Grangier.”
Sophronyme se prêta donc à l’exercice, prenant parfois appui sur l’avis de son fidèle Art’so qui, avec l’aval du commissaire, apporta sa contribution au descriptif circonstancié dont Varlotta prenait note mentalement, son carnet ouvert, pendant négligemment à bout de bras sur son genou droit.
Le regard du commissaire brillait autant par plaisir que par l’intensité de sa concentration. “Savoureux ! Tout bonnement, savoureux” songeait-il dans l'intimité de son esprit complexe, à la fonctionnalité multi-tâches.

***

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>à suivre<
___

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NB : par souci de lisibilité de ma poLétique chérie,
je détermine arbitrairement la date de parution de chaque chapitre.

Reportez-vous donc aux liens [précédent] et (à suivre)
ou celui-ci pour embrasser le fil du feuilleton.


tiniak ©2021 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK


pin_tiniak-draw1

Il s'agit là d'une nouvelle et fort émoustillante stimulation à produire du récit que nous propose AnnickSB, sur son Atelier en question(S)...

J'y réponds volontiers, car l'exercice, consiste à réaliser un feuilleton au fur et à mesure de questions (im)posées, prévalant, l'une après l'autre, à chacun des chapitres; cela me pousse à sortir de ma "zone de confort" (mes poLèmes) pour explorer davantage ma "prose à hics".
Je prends un plaisir fou à écrire ce feuilleton.
J'espère qu'il rencontrera votre plaisir de lire.

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Commentaires
A
Un truculent commissaire vient s'ajouter à la galerie de personnages bien campés que tu nous proposes !<br /> <br /> Son enquête commence, la mienne se poursuit...
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  • Ma poLésie est une aporie animale et smirituelle que je vous offre de caresser, à l'impromptu. D'accord, j'ai la paronomase au bord de l'asyndète, mais je me soigne aux vers ! TANT QUE DURERA LA GUERRE !! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ !
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(manifeste poLétique

Poésie ! Poésie ! Tout naît en poLésie !

...le fleuve débitant sa musique immuable...

...le goûter qui mûrit au fond de mon cartable...

...le livre qui m'oublie et peuple mon chevet...

...la raison vacillant au détour d'un sonnet…

 

poLésie, mon pays, où n'est que poésie !

...la rue qui va son train vers l'Autre, à son endroit...

...la pierre de Caen nue, orangée par le soir...

...le balcon dégarni par un soudain hiver...

...au front de la mairie le trident délétère...

 

Poésie sans parti que d'être bonne amie

...me déflorant, tu m'aimes...

...et t'effeuillant, je sème...

...rien n'est plus indicible…

 

poLétiquement pris de fièvre inassouvie

...je te crie sur mon bras...

...tu t'écris sous mon pas...

...nous sommes l'Un Possible...

 

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