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6 février 2024

Le fond du trou

L’Agenda Ironique (A.I.) de février est hébergé et animé par Photonanie. Elle propose pour consignes d’écriture :
Produire un texte à la façon d’un extrait de pièce de théâtre avec un minimum de didascalies.

  • “J’aimerais y voir un zeugme (le mot est bizarre mais c’est assez simple. Pour vous guider, je vous propose un exemple de Pierre Desproges: Après avoir sauté sa belle-sœur et le repas du midi, le Petit Prince reprit enfin ses esprits et une banane.) 😉
    D’autres idées ici.

  • Et puis aussi y glisser les mots ponceau, sardonique, kathisophobie et fichtre.”

Me prêtant volontiers à l'exercice, je publie ici, d'une part, la première partie d'une saynète, incluant les consignes de l'A.I. (donc soumise à l'avis des membres et des lecteurs de cet atelier d'écriture ludique); d'autre part, deux autres simulacres d'extraits de pièce de théâtre, pour suite et fin de cette "fantaisie scénarisée".

didou_Zorro

Vous en souhaitant bien du plaisir,
Fidamicalement vôtre, tiniak.


LE FOND DU TROU

 

Une saynète de tiniak.

Livret : Photonanie.
Mise en scène : David Filoqueur.
Décors et scénographie : Falbala Rache.


©2024 DUKOU ZUMIN &ditions - Collection “Les agendistes aux Folies”.


ACTE I - Scène 1


Les personnages :
Eddie D’Ascalie, le narrateur.
Christophe DeVraap, le secrétaire-médical.
Alban Tripotin, le docteur.
Les Jouffion, trio familial.
Prudence Béchut, Madame Le Maire.



Lever de rideau sur un fond de décor partiellement éclairé, ne laissant entrevoir qu’une canopée nimbée de lueurs matutinales.

D’Ascalie (ampoulé) : Dans la forêt lointaine, on entend le coucou, pas de messe vaudou ni de loup qui sommeille. Pour l’heure, il fait plus doux sur la place d’un bourg où la vie se réveille…

La lumière se fait sur le décor villageois. Premières âmes à venir auprès de la fontaine dite “de Cuverville”, le docteur Alban Tripotin, flanqué de son secrétaire-médical Christophe DeVraap, tous deux jeunes et fringants citadins nouvellement installés dans le village de Sucet-en-Auge - canton de Piétan-Carpe.

DeVraap (sortant du cabinet une chaise pailletée à la main et s’adressant au docteur, déjà sur le trottoir) : Tu parles d’une guigne, cette affliction endémique ! C’est vraiment pas une sinécure que devoir, chaque matin, vider la salle d’attente de ses chaises. Tout ça pour des peigne-culs au popotin chatouilleux !

Tripotin (s’étirant et rajustant son gilet sur son gentil bedon) : Mon vieux, je t’en conjure ! Bien que nous ayons gardé les mêmes cochonneries confinées durant notre internat, je te prie d’observer le vouvoiement quand tu t’adresses à moi en public. Question d’autorité, comprends-tu ?

DeVraap disparaît sans mot dire à l’intérieur et reparaît une autre chaise à la main qu’il empile sur la précédente, maugréant par borborygmes.

Tripotin (s’accoudant à une première pile de chaises): Et puis - mais dois-je te le rappeler, Christophe ? c’est précisément au motif de cette singulière maladie que nous avons obtenu de prendre ici le bon air, le pouls de l’époque et, qui plus est, pignon sur rue à moindre frais.

DeVraap (aigre-doux) : Oh, ça ! mais j’entends bien, cher docteur, vous être en tout point agréable et comme tinte l’heure, au timbre du clocher, m’enjoignant d’ouvrir vostre officine de louable conseil en noble médecine, sous son fanal ponceau - (s’adressant au public) détail, à mon avis pas du meilleur effet dans ce bourg affligé, en outre, de cossus relents de conservatisme atavique.

Son très particulier consort de nouveau disparu à l’intérieur, le docteur lève les yeux au ciel. Entre, côté jardin, un couple de personnes âgées tenant une fillette, chacune par la main.

Tripotin (pour lui-même… et le public à l’occasion) : Ah, sacré DeVraap ! Il n’a pas son pareil pour “me la bailler belle”, comme il sait me la jouer; avec le classicisme exacerbé qui “fait le sel” de sa chère “faconde”. Le bougre !

Cessant de faire des guillemets avec, le docteur salue des deux mains le trio qui s’engouffre, sans lui rendre son salut, dans la boulangerie quasi mitoyenne de son cabinet. DeVraap revient, une dernière chaise sous le bras.

Tripotin : Les Joufflion viennent à l’instant d’entrer chez la boulangère.

DeVraap : Avec la petite ? De quoi avait-elle l’air ?

Tripotin : Pas folichon-folichon, pour tout dire.

DeVraap : Mouef… Comme tous les gamins qui vont à l’école en devant y rester debout, quoi. Depuis septembre, tu penses… Euh, vous pensez bien, docteur, quelle fatigue ils ont pu accumuler, les pauvres petits culs !

Tous deux se tiennent un instant silencieux, de part et d’autre de l’entrée du cabinet médical, ornée de son enseigne, arborant un caducée argent sur fond rouge.

D’Ascalie (injonctif) : Allez, hop ! Pop’, pop’, pop ! Hue, las…

A cet ordre, p
eu à peu, des passants font ce qu’ils ont à faire et passent. Parmi eux, fendant la place vers le cabinet, trottine Madame Le Maire, l’embonpoint compressé dans son ensemble jupe-tailleur vert bouteille, aux coudes rapiécés de cuir. Prudence Béchut les approche en extirpant un papier de son cartable usé…


Madame Le Maire (poussive) : Messieurs ! Messieurs ! Ah, ‘core heureux que je vous trouve avant l’arrivée de votre clientèle, dites voir. Bonjour, messieurs. J’ai là un courrier de la Préfecture, rapport au rapport que nous avons rédigé avec votre aide durant le dernier Conseil municipal de l’autre jour soir.

DeVraap (faussement emphatique) : Déjà ? En voilà, une bonne surprise, dites donc, Madame Le Maire !

Tripotin (autoritaire, du coup) : Merci de prendre place à votre poste, mon cher DeVraap. Accueil de patientèle oblige… D’ici là, je me charge de voir de quoi il retourne avec Madame Le Maire.

DeVraap s’exécute sans broncher.

Tripotin : Bonjour en retour, Madame Le Maire. Vous semblez vous porter à merveille, ce matin.

Madame Le Maire : Ah, oui ? N’allez pas croire ! J’ai les jambes comme des jambons et des douleurs dans les flancs à trop dormir sur le côté.

Tripotin : J’en suis navré, Prudence, croyez-le bien. Et votre mari, monsieur Béchut, comment va-t-il ?

Madame Le Maire : Oh, mais pour lui, c’est que c’est pire ! Pensez donc : un agriculteur sans tracteur, c’est rien moins qu’un piéton…. (et plus bas) : …qu’il en est même pris de constipation, dites voir un peu ! Alors, pour pas aller, non ! ça va pas ! Il est au fond du trou, même, je dirais.

Tripotin : Comme je le plains. Comme je le plains… Mais vous disiez, donc ?

Madame Le Maire : …Avoir la réponse de Madame Le Préfet, oui, oui. Ah ! et aussi, je vous ai rapporté la copie de notre courrier, car votre secrétaire y a fait une coquille qu’il vaudrait mieux corriger. Et puis veiller à ce que ça ne se reproduise plus, à l’avenir, dites. S’il vous plaît docteur…

Le docteur se saisit des feuillets et les examine.

Tripotin : Une coquille dites-vous ? A vrai dire, monsieur Christophe DeVraap en est hélas assez coutumier… (relevant l’erreur, le nez dans le courrier) : Ah, oui, quand même “à l’affection de Madame La Perfect”, c’est pour le moins… malicieux… Je veux dire, maladroit.

Madame Le Maire (l’air entendu) : Le personnel, hein ? C’est plus ce que c’était.

Tripotin : A vrai dire, Madame Le Maire, pour ce qui est de mon secrétaire, les fautes DeVraap, c’est presque une marque de fabrique, chez lui.

Madame Le Maire (interloquée) : Pardon ?

Tripotin : Laissons cela, Madame Le Maire. Voyons plutôt…

Madame Le Maire : Eh bien, mais voyez-vous même. C’est bien ce qu’on craignait, ‘pas ? La quarantaine ! Ils suivent vos recommandations à la lettre - c’est le cas de le dire ! et nous assurent de “tout mettre en œuvre pour placer le canton sous quarantaine sanitaire, dans les meilleurs délais”, qu’ils disent, là.

Tripotin : Il fallait s’y attendre, en effet. Prudence est mère de sûreté.

Madame Le Maire : De Sucet, vous voulez dire…

DeVraap fait de nouveau son apparition sur le pas de porte, les poings sur les hanches.

DeVraap (limite sardonique) : Alors, alors, ces messieurs dames ! Ça nous dit quoi de bon, tout ça ? Hin, hin !

Madame Le Maire (quasi catatonique) : La quarantaine ! Voyez-vous ça ? Ah, fichtre ! Fichtre ! La quarantaine pour tout le canton !

DeVraap : Oh, pas de quoi en tomber sur le cul ! Il fallait s’y attendre…

Tripotin (réprobateur) : Un peu de mesure, DeVraap, je vous prie. La situation est tout de même des plus inconfortables.

DeVraap : Ah, ça oui ! Déjà qu’on n’a plus de chaises…

Tripotin (cassant) : DeVraap !! Tenez, prenez plutôt ces courriers pour archive. Et notez la correction portée par Madame Le Maire, sur l’exergue. Merci de faire le nécessaire, Christophe.

Madame Le Maire : N’empêche, la quarantaine ! C’est fort de café, vous ne croyez pas, docteur ? (à l’endroit du public) Je sais pas vous, mais moi, ça me troue…

Tripotin (didactique) : C’est que, voyez-vous chère Prudence, quand bien même il ne se serait agi que d’une simple infection, la quarantaine s’imposerait déjà, afin de circonscrire la bactérie, pour la combattre et puis l’éradiquer. Mais nous avons ici fort à faire, avec une forme incongrue d’affliction.

Madame Le Maire : D’affection, vous voulez dire…

Tripotin : Non, non. Je dis bien : d’affliction. Vos administrés sont atteints de kathisophobie, un mal qui les afflige parce qu’il leur inflige de ne plus pouvoir s’asseoir. Son origine n’est ni microbienne, ni bactérienne. Nous avons donc à lutter contre un mal bien plus sournoisement invisible : une maladie de l’esprit ou de l’âme, comme vous voudrez.

Madame Le Maire : Ah ça mais, je ne veux rien de tout ça, je vous assure, docteur. C’est comment en sortir, que je veux, moi.

Tripotin : Et moi, je vous assure y employer dès à présent toute l’étendue du savoir médical dont je dispose, Madame Le Maire.

DeVraap (demeuré dans l’embrasure) : Pour sûr, le mieux serait de pouvoir nous asseoir là-dessus au plus vite. Le problème, c’est qu’il faut parvenir à vous assouplir… vous faire plier, en quelque sorte. Car c’est bien là que le bât blesse : votre incapacité à fléchir constitue votre affliction. Le manque de souplesse, de largesse d’esprit, d'ouverture, quoi… Voilà, ce dont votre monde souffre, Madame Le Maire.

Madame Le Maire : Ah, messieurs ! Messieurs ! J’ai bien peur de n’y rien comprendre. Je crois même que je vous comprends de moins en moins, tiens !

Tripotin : Ce qu’il faut vous comprendre…

DeVraap (sur sa lancée) : C’est que, voyons… Allons, allons, Madame Le Maire ! Il doit bien se trouver, parmi vos administrés… voire que l’ensemble de votre communauté se compose de ces culs-terreux, ces culs-bénis, droits dans leurs bottes, pour certains affublés de culs-de-bouteille au-delà desquels ils ne voient pas plus loin que les ailes étriquées de le naseaux, engoncés qu’ils sont dans les roides limites de leurs prés carrés, de leurs frigidités contrites, incapables d’empathie ni de compassion pour ceux qu’ils font ployer sous des loyers rigides, de froides injonctions, des tâches ingrates, des charges insupportables, que sais-je encore !?! Or il s’agit enfin, ni plus ni moins, de se bouger le fion pour infléchir cette situation. Et de leur dire à tous : plein le cul ! ras le col ! au cul, la balayette !...

Tripotin (parvenant à en placer une) : Disons, pour faire simple, chère Prudence, qu’aux rigueurs de cette vigoureuse affliction, nous opposerons les meilleures solutions qu'offrent aujourd’hui les tenants d’une médecine moderne, douce et bienveillante.

Madame Le Maire : Ah ? Bon… Si vous le dites, docteur. Je vous fais confiance, pour sûr. Si ça peut nous tirer d’affaire, je m’en remets à vos lumières et saurai entraîner avec moi l’ensemble de mes concitoyens qui ne manqueront pas de se plier à toutes vos exigences.

DeVraap (pétaradant) : Ah bah, voilà, Prudence ! Ça, c’est un bon début !!

Il tourne les talons et s’enfonce dans le couloir du cabinet en fredonnant.

DeVraap : Pliez ! Pliez, l’escarre, Paulette… 🎶

Les passants se figent. Le noir se fait autour de Prudence et Tripotin, immobiles jusqu'à extinction complète du dernier faisceau lumineux sur leurs visages. Le rideau tombe.

D’Ascalie (désinvolte) : Pour qui cela pourrait avoir une quelconque forme d'intérêt, sachez que nous aurons, à suivre, une messe vaudou, une consultation médicale en mairie et l'aimable participation de Le Loup au final sur la place du village.


ACTE II - Scène 3


Les personnages :
Eddie D’Ascalie, le narrateur.
La Messe Vaudou, des villageois.
Christophe DeVraap, le secrétaire-médical.
Alban Tripotin, le docteur.
Prudence Béchut, Madame Le Maire.
Hugues Héridon, le pharmacien.
Jacques Horderay, dit Le Psy.
Madame Héridon, la pharmacienne.
Le Loup, intermittent.

Avant le lever de rideau, sur fond de bruits d’oiseaux et de tambourinades étouffées…

D’Ascalie (murmurant, grave) : C’est la nuit dans la forêt plus si lointaine, vu qu’on verra que la scène s’ouvre dans une de ses clairières où il fait bon vivre au naturel. En témoigne la bande d’allumés dont le charivari a rabattu le caquet du coucou, tandis que certain loup à fort à faire ailleurs.
Allez ! Hop, pop’, pop ! Rideau…

Dans une clairière, perçant la pénombre nocturne, un faisceau de lumière bleu pâle monte tout droit depuis les flancs rondelets d’un tonneau que surplombe un luminaire de camping, plus ou moins sauvage, au gaz domestiqué. Autour, des villageoises et villageois exécutent, en rigodon, une sorte de danse tribale, en tenues légères, de facture moyen-âgeuse, druidique peut-être…(?) Leurs pieds martèlent le sol au rythme de la tambourinade, montée d’un cran dans les décibels.

La Messe Vaudou :
Mondo bingo ! Popocatepetl !
Guili-guili Mandjalo ! Popocatepetl !

Oulla-oulla ! Ougandala !
Malakwa ! Malawi !
Mala mala kulami !

Hou hou ! Hou ha !
Oulla-oulla laaa !
Kukula bobo !!!

Alors que la messe païenne soudain se fige (bruits de tambours assourdis exceptés), côté cour, de derrière un buisson, apparaissent lentement les visages de Tripotin et DeVraap.

DeVraap : Ah, quand même ! Pour ce qui est de se bouger le fion, on peut dire que les voilà bien dégourdis, les culs-terreux.

Tripotin : Là, Chris’, je dois avouer que le spectacle me sidère. Non mais, si je m’attendais ! Regarde-moi ce cirque ! Et là, regarde ! N’est-ce pas la boulangère, sous la couronne de baies rouges ?

DeVraap : Ha ! Ha ! La touche ! Et là, jambons à l’air, c’est-y pas not’ Madame Le Maire dans les bras du bon vieux Joufflion ? Péchue, la Béchut ! On peut dire qu’elle a jeté aux orties toute prudence, dame, la Prudence.

Tripotin : En effet. Pour un peu, c’en serait presque réjouissant…

DeVraap : Ouais… Sauf que tout cela confirme nos craintes : c’est qu’il est pas blanc-bleu, le psy soi-disant dépêché par les services de la Préfecture.

Tripotin : Il est clair que cette lâche débauche des villageois ne peut qu’être imputée à l’insidieuse prégnance des tournures alambiquées de cet individu pour le moins sujet à caution, aux entournures…

DeVraap : …Subséquemment…

D’Ascalie (soudain) : Pas mieux !

Tripotin : En fait, je ne serais pas surpris que le pharmacien - lequel n’a pas tardé à boire ses paroles plutôt que de se ranger à mes préconisations médicales, aura filé un sérieux coup de pouce à ce gourou endimanché. Sans doute au moyen de quelque puissante pharmacopée psychotrope. Peut-être même de son cru, le malotru !

DeVraap : Ah, ça ! La crédulité locale aidant, l’enfumage était trop facile. La belle affaire ! Dans ce trou du cul du monde, c’est entré comme dans du beurre.

Tripotin : Pas sûr que l’image soit plaisante, Chris’, mais elle ne manque pas d’à-propos. Loin s’en faut.

DeVraap : Merci l’ami, mais tous comptes faits, si nous sommes ici venus, c’est davantage grâce aux commérages qu’à tes scientifiques vertus. La recherche a porté ses fruits, en temps record, je te l’accorde. Mais c’est grâce à une rumeur que nous assistons au spectacle -  qui nous importe ! d’une débauche villageoise, menée par quelque obscur oracle.

Tripotin : J’en conviens, soit ! Tu as raison. Il n’en reste pas moins que ce délire anachronique - auquel s’adonne le village sous nos yeux, devrait nous inciter à creuser plus avant sur ce mal insidieux.

DeVraap : Sauf à entendre qu’en ce ballet d’un autre temps - loin de raison, de médecine... se trouve une source intestine aux ouvrages intemporels, capables de surgir, tel un coup de grisou, venu des pélagies pour nous la bailler belle.

Tripotin : Et donc…? Un machin surhumain, voire surnaturel, contre lequel n’y peuvent rien, ma volonté ni mes diplômes ?

DeVraap : Vois ! Et dis-moi que faire de ce capharnaüm…

D’Ascalie (caverneux)
: Rimes en prime… ! A moi, Piémont ! C’est le pied, non ?

Profitant d’une pause dans leur dialogue, la folle ronde villageoise reprend de plus belle (avant de se figer à nouveau à la reprise de chaque nouvel échange, et ainsi de suite).

La Messe Vaudou :
Mondo bingo ! Popocatepetl !
Guili-guili Mandjalo ! Popocatepetl !

Hou hou ! Hou ha !
Oulla-oulla laaa !

Mala mala kulami !
Kukula bobo !!!

Côté jardin, de derrière un autre buisson, surgissent les visages du psychiatre et du pharmacien, se faisant face. Côté cour, DeVraap et Tripotin demeurent figés à leur tour.

Le Psy : Félicitation, mon bon monsieur Héridon ! Les effets de votre potion s’avèrent très efficaces. Et ce, bien au-delà de mes espérances, mon ami.

Héridon (topant la main que lui présente Le Psy) : Merci, merci… Mais tout le mérite en revient à votre maëstria, professeur. Voyez plutôt : mon épouse, elle-même, est des plus enthousiaste ! (vers le public) Je ne lui connaissais d’ailleurs pas tant de souplesse… (les yeux au ciel)... Anaïg ! (revenant à la messe)... Anaïg !?!

Se détachant un instant du rigodon endiablé, la frêle silhouette de la pharmacienne se lance à présent dans de singulières et frénétiques figures acrobatiques.

La Messe Vaudou :
Mondo bingo ! Popocatepetl !
Guili-guili Mandjalo ! Popocatepetl !

Hou hou ! Hou ha !
Oulla-oulla laaa !

Malaki ! Malakwa !
Malakulami oullaaa !!

Malaki ! Malakwa !
Malakulapo !

Hou hou ! Hou ha !
Kukula bobo !!!

Côté cour et côté jardin, les positions s’inversent.

Tripotin : Bon ! Pour ma part, j’en ai assez vu. Rentrons, DeVraap, veux-tu ? Il va nous falloir réfléchir…

DeVraap : …à infléchir la situation, oui, c’est bien le thème de notre dilemme.

Tripotin : Gestion de crise oblige, Chris’.

DeVraap : J’entends, mon vieux, j’entends… Non mais attends, Alban ! Vois, là-bas, côté jardin de la clairière, je crois bien distinguer les faces de pet de nos deux opportuns complices : Hugues Héridon et ce filou de Jacques Horderay.

Tripotin : Tu dis ? Mais oui, bon sang ! Cette fois, la preuve est faite de leur connivence !

DeVraap : Tu l’as dit, mon vieux : rentrons ! préparer notre contre-danse…

La Messe Vaudou (tombant sur le cul, dos au tonneau) :
Kukulaplu bobo !!!

Rideau.
Le rideau tombé, poursuivie de jardin à cour : une sihouette couverte d’une peau de loup.

Le Loup : A-ouh ! A-ouh ! (etc.)

D’Ascalie (avec morgue) : Ah bah, ouiche, tiens ! Ça eût manqué à l’interlude forestier.


Dernier acte, à venir prochainement : Une consultation médicale en mairie de Sucet-en-Auge. 

 

poLétiquement vôtre, tiniak.
©2024 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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9 décembre 2023

laudanum est

Le mal m’est nécessaire et le bien superflu 
Doux oxymore… Âpre est l’orage et la mer, don ! 

Au gré de la jetée, s’abreuvent des garçons 
lâches du pantalon et le front rabattu 
au prix de la criée que savent des ventrus 
les ligues de vertu susurrant au perron 
rehaussé de limon, leurs injonctions notoires 

Un défilé de toile aux manches repassées 
surplombe une marée de songes laborieux 
rengorgeant les abois d’un cœur sombre et fiévreux 
s’allant, à qui mieux-mieux, sacrifier au métier 
la navette érodée d’impalpables espoirs 

Douceâtre mélodie monnayant son tempo 
contre un divin écot promis à la curée 
la mièvre litanie égrène la journée 
vers l’éternel rejet de fronts horizontaux 
ployant sous le fardeau d’ébènes reposoirs 

A
vancé prudemment sur le tendre vélin 
que recouvre un naissain de coquilles pataudes 
un verbe se répand, hésite et puis patauge 
soudain pris en maraude, une main au pétrin 
une autre à sa ribaude et l’œil à l’écran noir 

Ne m’épuise plus rien, ma pensée maladive !

Un jour viendra peut-être où Sisyphe au rocher 
enverra balader vers de berges nouvelles 
un fleuve saoulé d’Êtres, de barges de missels 
d’estampes, de pastels, l’armada éprouvée… 
pour une ritournelle et sa rampe d’ivoire 

Mange-moi, puits sans fond, sans affres, sans manière 
comme l’humble fougère avale un papillon 
une soif alanguie, un soupir sans giron…? 
Quel qu’en soit le siphon, elle attend, la vipère 
à la langue bifide auprès de l’entonnoir 

Est-ce que j’aie raison de ramer où l’âme erre ?

absyntheXIXe

Commis pour un Défi du samedi #797 - Siphon.

tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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27 novembre 2023

Pas de dense

Un pas de plus et c’est limon ! 
Eh ! C’est le moins, sur ce caillou 
que parcourent des ombres floues 
- qui, bras levés, qui, à genou 
  mais, toutes ! les yeux aplatis 
tels, un fleuve privé de ris 
l’aveu contenu dans un pli 
ta perle rivée à mon clou 
et, l’un l’autre, aveu d’abandon 

Un “pas encore…” et c’est frisson ! 
- qu’il pleuve au fleuve sous les ponts 
- qu’il vente à tous les horizons 
- qu’un sourire vienne à la lune 
- qu’un songe fende l’astre diurne 
dans le suspens du verbatim 
en promesse, une verve intime 

Un pas de deux, à qui z’yeux-z’yeux 
le sol à portée, en mesure 
noble bémol à l’ouverture 
sûr, un tempo à qui mieux-mieux 
le monde en mode confiture 

an_dancers-best-draw21

tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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Une nouvelle - et fortuite, correspondance avec cet 'Axone de soie', commis sur 'Les Faits Plumes' de Del'Fine.

16 novembre 2023

Parenthèse en chantiers

Pencher ce monde, sur le velours d’un accoudoir 
Abreuver l’heur d’un regard superfétatoire 
Rire à l’éclat d’une carnation passagère 
Ecouter l’onde énumérer de lents mystères 
Nouer la corde au collet du lièvre des Parques 
Tendre le poing, quel que soit le front du monarque 
Hisser la hune au mat défiant les vents mauvais 
Ecrire à l’Ombre et lui rebattre le paquet 
Sentir venir ta paume sur mon éventail 
Et se parer de nos intimes attirails 

Enchantés de courir au-devant des nuées 
N’entendre pas le jour à l’instant s’écouler 

Chantiers de vert amour à naître d’évidence 
érigez le séjour de nos fastes errances 

w

Commis pour un Défi du samedi #794 - Parenthèse.

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11 novembre 2023

Oh, raison...

Un soupir sur les coquelicots 

En gerbe germe un triste Verbe 
Et les couronnes s'époumonent 
Sous des plastrons en rang d’oignons 
de bas en haut-faits de draps-peaux 
dans le gras timbre d’un glas pingre 

Pour que La Veuve s’en émeuve 
prendre par la main ce bambin ? 
Que Père et Frère en soient si fiers 
que les sœurs se renvoient des fleurs… ? 

Il est trop riche, ce terreau 
plaine gorgée de sangs martyrs 
pour que s’empêchent d’y fleurir 
ces milliers de coquelicots 

Crois-tu qu’en tire une leçon 
cette flopée de Va-t-en-guerre 
tirant ses Corps-Dons sur la terre 
sacrifiant à de vains canons ? 

Que non… Que non ! Mystère au poing 
mieux vaut amener les couleurs 
plutôt que demander pardon 
aux femmes, fille, mère et sœur 
à l’enfant lissant leur giron 
au casernement des blancs-seings ? 

Ni les pluies, ni les vents du large 
ni les célestes mouvements 
ne sauraient puiser leur content 
au flanc des inhumains carnages 
et cependant… 

Le soleil n’est jamais si rouge 
et la poussière aussi fébrile 
ou le fleuve si peu fertile 
que lorsque la honte et ses gouges 
se targuent de feux imbéciles 
au lugubre appel du clairon 

Et allez, donc… 

street-art4a_Banksy-Soldiers-Painting-Peace-Sign

tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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5 novembre 2023

Offriandises conjecturelles

-Trip tic contre l'obsolescence endémique-

Warhol_SoupCans

 

Oblitération passagère de Tickets-choc
Banalisations en fuite au gré des arcanes
Serviette en papier dans l’assiette océane
Organes tâcherons de rêves sans gloire
Lingette au panier de linge en déstock
Enfance promue tête de gondole
Serments d'apparat sous les paraboles
Crédit au débit d’oraisons funèbres
Envies à l’envi égaillant la Plèbe
Nepote au balcon des Unes furtives
Carnage au menu de crèmes lascives
En sombre ballet de vaines breloques


***


“- Oh, Marcelle ! Il est rien bath, ton T-shirt ! Il a dû te coûter bonbon !
“- Que non, Léon ! J’en ai eu trois comme ça au rayon promotion.”


Sur ma joue, ton front
nous nous embrassons
et dans le suspens
de cet instant T
la vie se faisant
de toute éternité


“- Coucou, Chou. Bisou… Alors, on mange quoi, ce soir, dis donc ?
“- J’aurais bien dit ton cul, mais il est encore loin de sa date de péremption.
“- Comment t’es con. J’adore !
“- Du coup, c’est pâtes au roquefort.”


Tiercé gagnant : nos cœurs aimants
et leur chœur à la dérobade
couvrant les plains-chants de la Camarde


***

Que penser d’un soir
traînant en boudoir
entre les curées laborieuses ?

Pas même au grimoire
une vieille histoire
inscrite à l’encre lumineuse

Non plus qu’au parloir
les sentiers de gloire
n’assurent d’une fin heureuse

Que dire du jour
tombé dans la cour
forcer le ballet des fenêtres ?

Le fumet d’un four
volant au secours
de pensées gavées de “peut-être…”

Cadeau sans détours
au précieux concours
rameute l’entour à sa fête !

Que faire, à présent
des songes d’antan
revenus toquer à la porte ?

Traces flamboyant
sur leur Livre Blanc
deux cœurs lassés des lettres mortes

S’offrent ce présent
d’un souffle évident
qu’il en soit toujours de la sorte

Qu’il en soit ainsi
du Bel Aujourd’hui
égrené de trouble en douce heure

Margelles au puits
le jour et la nuit
trempent à l’envi des ardeurs

Où pleurs et ennui
cèdent leurs partis
à l’écot des simples bonheurs

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Pour un Défi du samedi #793 - "Obsolescence".
tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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14 octobre 2023

Qu'à tordre juillet...

Il s’est passé quelque chose, à coup sûr…
N’est-ce pas ?... Dans ce regard, soudain si mûr…

Quatorze Juillet frémit sans pleuvoir 
tant d’affreux bambins sont déjà de mèche 
bengale en poche, et treillis de pétards 
censés griller ces jupons de pimbêches 
aux plis mesurés, navrant leurs espoirs 

Un vif entrelacs, tendu - bleu, blanc, rouge 
toise un festival d’élan populaires 
où les rires gras coursent la farouche 
et les délurées narguent le trop fier 
sans parti noble ou révolutionnaire 

Il se passe bien quelque chose, non ? 

Elle aura bien lieu, la Guère-de-Foi 
jetant ses feux sous des ciels impavides 
privés d’homériques subsides 
quand l’ineffable artificiel a droit 
de saper des fleurs apatrides 

Te voici, seule et ignorée de tous 
avec, au sein, quelque chagrin 
que ne trahit pas ta frimousse 
au pied, Son Chien 
au sein, ta frousse 

Et ce regard… 
qui ne veut rien entendre à tous ces étendards ! 

Filigrane-87_au café

 

Pour une 87ème consigne d'écriture proposée par La Licorne (en filigrane)
- NB : toute ressemblance avec des événements récents
n'est absolument pas fortuite ! -

tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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12 septembre 2023

Havre au singulier : µ rit, elle.

 

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Hâle emblématique - au pis ! erre aux nocturnales 
Avec des hurlevents contournant ta couronne 
Vois, Pierrot - note orale, où logent ces amants 
Rentrés, par maints détours, au ceint providentiel 
Et voulant jouir d’amours jamais plus au pluriel 

Au singulier Toujours ! 


Mûs… l’être, à l’impromptu, et s’y remettre en sels 
Un tableau noir, si vert naguère, aujourd’hui blanc 
Récré prolongeant l’éphémère, au demeurant 
Ici se déplace à l’envi, d’où qu’elle vienne 
Et, puisque les vents se sont tus, j’empanne alors 
L’amarre, bord à bord, sur son îlot très or 

tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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4 septembre 2023

Va-et-Vient n°5 - Aller

Déboulant de chez Carnets paresseux, j'y ai découvert un atelier d'écriture intitulé "Va-et-Vient", dont le principe est un échange de publications d'auteurs autour d'un thème mensuel.

Pas certain d'être tout bien dans les clous, je soumets toutefois au groupe le texte qui suit (en acrostiche) pour leur 5ème édition ayant pour thème : "Passage de l'Amandier". Ne fût-ce que pour me signaler, fort intéressé...


"Va-et-Vient" n°5 - par tiniak

Amende honorable (au pas sage)

Pas sage sous les amandiers
les amants d’hiers fatigués
se sont rejoints sur le regain
où point le langoureux festin
de fleurs à peine entrebaillées

Au passage, les frondaisons
bruissent, couvrant de leur passion
les murmures énamourés
dans l’accompagnement discret
de chants d’oiseaux en pâmoison

Serti de mousses odorantes
un chemin forestier serpente
à l’issue du verger fleuri
invite au bonheur - à l’envi !

Amende y est faite (honorable)
aux déraisons inexpugnables
quels que soient les assauts du temps

Gageure d’un Bel Aujourd’hui
leur pas sage les réunit

En tendre, neuve et douce langue… 

 

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tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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4 septembre 2023

Va-et-Vient n°5 - retour

Découverte toute récente : j'ai le plaisir de rejoindre, avec enthousiasme, un atelier d'écriture littéraire et ludique intitulé « Va-et-vient ». Il consiste en un échange entre auteurs qui écrivent un texte, illustré ou non, sur le blog de l’autre et paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème du n°5 est « Passage de l’Amandier ».

Si j'ai bien tout comprendu, je suis sans doute hors les clous; qu'importe ! 
C'est histoire de me signaler au groupe, dont quelques membres me sont déjà connus, par ailleurs.
Pour cet échange, j'ai choisi le texte d'Amélie Gressier, une habile et percutante dystopie - tout bien comme je les aime (et vous ?) !

D'autre part, ma contribution >"Va-et-Vient n°5 - aller"< est également en ligne sur le présent espace - si des fois qu'elle puisse encore faire l'objet d'un partage...

Enfin, pour cette 5ème édition, retrouvez ou découvrez les publications en cours :

Et ainsi donc, ci-après, mon partage du texte d’Amélie Gressier (que j'ai rehaussé d'une illustration).
Please, enjoy!!

NB : Le thème du numéro 6 sera « Une croix au sol » et les contributions seront publiées le 6 octobre à 7 h.

poLétiquement vôtre,
tiniak


 

Passage de l’Amandier - par Amélie Gressier

Qu’est-ce qu’elle faisait là, cette canette de Dr Pepper ? Précisément sur la trajectoire de Jodie ?
Des citoyens du monde entier passent dans cette ruelle chaque jour, pour tenter de changer d’univers, vidant leurs poches et leurs bagages, ou laissant tomber leurs objets dans leur course vers une vie meilleure.
Un numéro de Ciné-Blitz et le dernier Vogue India, un emballage de Kit-Kat au matcha, un paquet entamé de Chiclets à la menthe et un autre de Tyrrell’s au vinaigre. Quelques Baiocchi pistache, un ticket pour prendre le métro à Lyon, un carnet pour le tramway de Prague. La carte de visite d’un humanitaire japonais et celle d’un restaurant gastronomique à Oslo. Le Lonely Planet d’Indonésie. Un trousseau avec un porte-clés tour Eiffel en plastique rose.
Un concentré de vie s’accumule Passage de l’Amandier. Et il a fallu que le pied de Jodie percute la canette en métal vide, pour l’envoyer contre une bouteille de whisky Jura, qui s’est effondrée sur un lot de cadavres de Weissbier et de Pils.

Depuis que l’Amicale des Fauteurs de Trouble avait fait sa grande découverte, la terre entière avait commencé à converger vers cette petite rue large d’à peine deux mètres. L’AFT, c’est le surnom que s’étaient donné Jodie et son meilleur ami Stan. Au début, derrière leurs ordinateurs et leurs casques de réalité virtuelle, ils cherchaient simplement à craquer quelques codes, infiltrer des sites gouvernementaux pour y semer leurs graines de panique, chercher des failles dans le multivers qui offrait une soi-disant échappatoire à la tristesse quotidienne. Jodie et Stan avaient fini par réussir. Trouver l’erreur à laquelle ils ne s’attendaient pas. Celle qui permettait vraiment d’entrer dans le multivers depuis le monde réel, par une sorte de trou de ver accessible depuis le Passage de l’Amandier, une voie étonnamment longue et sinueuse, et que chacun avait oubliée. L’endroit parfait, finalement. Ils avaient expérimenté cet accès dans le plus grand secret. Mais malgré leurs précautions, ils avaient été vus par quelques avatars, qui avaient réussi à localiser leur point d’entrée depuis le monde réel. La nouvelle s’était répandue parmi les initiés, puis dans un cercle plus large, amenant dans le Passage de l’Amandier d’abord des curieux, puis des hommes et des femmes désespérés et persuadés de pouvoir vivre une vie meilleure de l’autre côté.
Les autorités avaient elles aussi découvert le manège et repéré les amateurs de l’AFT. Devant l’ampleur du phénomène et les premières conséquences chaotiques sur la collision entre les deux mondes, le gouvernement avait demandé l’arrestation de Jodie et Stan. Résolus à aller jusqu’au bout, ils avaient décidé d’infecter le multivers en le bombardant de virus indécelables au début, agissant en sous-marin les premiers jours, avant de causer des défaillances irréversibles devant mener à sa disparition.
Sous la pression d’autres cabinets et bureaux, moins officiels et plus puissants, l’ordre avait été donné de stopper les deux jeunes amis désormais considérés comme des ennemis d’État, quel qu’en soit le prix, quelle que soit la méthode.
Depuis trois jours, le multivers commençait à s’effondrer, pixel par pixel, questionnant les hommes et les femmes venus du monde réel, effrayés à l’idée de retrouver leur vie d’avant, et pas encore conscients du vide qui s’offrait à eux dans le monde virtuel.
Stan n’était pas venu au rendez-vous que lui avait fixé Jodie. Elle l’avait attendu 24 heures, et il ne s’était jamais montré. Elle avait pris peur et avait compris. Résolue, elle avait choisi de retourner sur le lieu de leur découverte.

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Maintenant, Jodie est Passage de l’Amandier, planquée entre deux poubelles à l’odeur de soufre et d’essence, comme dans un film policier qui se passerait à New-York dans les années 90.
À sa gauche, le trou de ver menant de l’autre côté, dans un univers qui ne sera bientôt plus.
À sa droite, les pas des mercenaires, ou des tueurs à gage, ou des espions, ou peu importe qui, les pas des hommes qui veulent sa peau, et qui ne vont pas tarder à résonner sur les pavés.
Entre les deux, il y a eu la canette de Dr Pepper.
Jodie déteste le soda mais adore le cinéma.
Elle prend le temps de noter que la situation est très ironique.

Nous savons comment cette histoire va se terminer.
Jodie va se lever, partir vers la gauche et disparaître avec le multivers dont elle aura causé la perte.
Les hommes à ses trousses vont l’envisager dès qu’ils l’auront repérée aux bruits de métal et de verre, et en avoir la certitude dès qu’ils auront vu, loin devant, la jeune fille se lever et courir.

Mais quand les hommes auront réalisé qu’ils ne pourraient ni atteindre Jodie, ni revenir en arrière, il sera trop tard.
Parce que l’Amicale des Fauteurs de Trouble avait aussi programmé la destruction du Passage de l’Amandier, mi-réel, mi-virtuel, à coup d’explosifs et de vers informatiques. Et parce que Stan connaissait Jodie par cœur, il avait imaginé qu’elle reviendrait ici pour le chercher, attirant leurs ennemis dans la ruelle, et il avait achevé de tout programmer.
Tandis que Jodie se retourne au moment où l’explosion pulvérise les hommes et les objets du monde entier, de l’autre côté, Stan l’attend, prêt à prendre son amie dans ses bras, sans doute pour la dernière fois, sans doute pour toujours, mais l’esprit serein et apaisé.

Autrice : Amélie Gressier

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  • Ma poLésie est une aporie animale et smirituelle que je vous offre de caresser, à l'impromptu. D'accord, j'ai la paronomase au bord de l'asyndète, mais je me soigne aux vers ! TANT QUE DURERA LA GUERRE !! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ !
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(manifeste poLétique

Poésie ! Poésie ! Tout naît en poLésie !

...le fleuve débitant sa musique immuable...

...le goûter qui mûrit au fond de mon cartable...

...le livre qui m'oublie et peuple mon chevet...

...la raison vacillant au détour d'un sonnet…

 

poLésie, mon pays, où n'est que poésie !

...la rue qui va son train vers l'Autre, à son endroit...

...la pierre de Caen nue, orangée par le soir...

...le balcon dégarni par un soudain hiver...

...au front de la mairie le trident délétère...

 

Poésie sans parti que d'être bonne amie

...me déflorant, tu m'aimes...

...et t'effeuillant, je sème...

...rien n'est plus indicible…

 

poLétiquement pris de fièvre inassouvie

...je te crie sur mon bras...

...tu t'écris sous mon pas...

...nous sommes l'Un Possible...

 

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