Episode 26 - Par la bande, soupçons

Vingt-sixième question : Vous pensez qu'elle s'en souvient ?   
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--Le (p)ark, local virtuel de Las (p)arkas--
Dee déboule en nage dans le local conçu par le plus doué de ses comparses, le fidèle et déluré CliffTeK, dit “le charpentier”, touche-à-tout surdoué pour tout ce qui concerne la programmation et les environnements numériques.

Dee, soit ici, à cet endroit méga crypté du web : D.Ǝ.E. (pour De-əvolution Ǝvents Enhancer*), membre fondateur du groupe dissident connu sur le darknet pour sa signature virulente “Las (p)arkas”, s’éponge le front, le souffle court.
Car Dee, né Daryll Fourtin “à la surface”, est inquiet.
La plupart du groupe est au complet et le voit bien : Dee est inquiet. Sans dec’ ?
Après avoir lâché un bref salut faussement enjoué à la troupe, Dee les invite, d’un signe grave et silencieux, à se rassembler dans leur “couffin”, la pièce ultra-sécurisée de leur local. Leur checkpoint absolu. Leur bunker, quoi.

Dee se réjouit, malgré tout, que les membres-clés de Las (p)arkas soient présents à l’instant. Car c’est un instant ‘T’.

À la notable exception de sa grande sœur, Z@boO (codée : el1z@bee) qu’il vient de quitter physiquement, de chez la mère de Zounia, il y a donc en présence : missYəh-k, dite “la garçonne”, dernière compagne de el1z@bee; (Y)ARDw∀ve-billy, “le soudoyeur”, qui nage en surface, depuis les sombres sphères privilégiées des puissants jusque dans les arrogantes vitrines des bas-fonds; et surtout, SONY-XS, “le banquier”, ex-Cadet de la police nationale, alors camarade de chambrée de Dee, (y)ard-developper (accompli créateur numérique, tous domaines confondus), auquel ils doivent la création du Real-Val, cette valeur qui fout le bordel en surface, sur toutes les places boursières, depuis ce matin. Tous sont pourvus des qualités de (p)eep-diver (personne qui sait plonger profond dans le code en demeurant “illisible”).

Avant d’en venir à ce qui le préoccupe, Dee leur a fourni, à chacun sur son coffre-fort (le bracelet qu’ils ont tous au poignet ou à la cheville), le communiqué de presse, rédigé chez maman d’Zou, avec Zounia et Lizbette, celui qu’ils devront valider pour sa publication, vaste, globale.
Profitant de ce moment de lecture attentive, Dee rassemble ses pensées pour en ordonner la formulation qu’il veut à la fois, claire, percutante et propice à l’action.
Une fois que chacun a levé le pouce pour valider le document, Dee lance à la cantonade : “Avons-nous des nouvelles de notre contact à l’hôtel Grangier, depuis le lancement du Real-Val ?”
Chacun de s’interroger du regard, puis, comme à son habitude, SONY-XS (qui, en tant que spécialiste financier, eût pu être le premier informé) déclare au nom de tous que “non, rien qui nous vienne de là”.
Parce que, ailleurs bien sûr, multiples ont dû être les réactions, partisanes ou opposées, qu’a suscitées le singulier crack boursier surgi au cœur du Capital, en déduit Daryll, sans toutefois développer davantage l’info livrée par son ami SONY.
“Parce que, voilà : l’hôtel Grangier fait l’objet d’une enquète pour meurtre. Et c’est Sir William Tolhurst qui en est la victime. Tolhurst, le mentor anti-capitaliste d’Anne-Sophie Grangier, du temps où ils étaient amants. Tolhurst, l’un de nos principaux Cheval de Troie pour porter en haut lieu notre tribune, sur la zone Europe. Voilà qui complique inopinément notre affaire, les amis, déclare Dee à son groupe, estomaqué !”
Un silence pesant s’installa, et Daryll d’ajouter :
“J’arrive de Caen, où j’ai retrouvé Lizbette et Zounia. On y a rédigé ensemble le communiqué que vous venez de valider. En surface, Zounia enquète sur le meurtre de Sir William. A priori, elle est prête à se joindre à notre lutte depuis le (p)ark, cependant - je ne le lui ai pas demandé, hein ? mais - notre serment, vous pensez qu’elle s’en souvient ? Parce qu’alors, il va lui falloir faire un choix : conserver sa casquette de major de la Crim’ ou plonger avec nous dans le (p)ark.”
De pesant, le silence se fit trouble parmi les membres de Las (p)arkas.
Pour apporter une ferme réponse à Dee, chacun savait ce qui doit être entendu désormais : considérer Zounia comme une menace, tant qu’elle ne se sera pas défaite de son appartenance à la police nationale.

--Paris, Ministère de la Défense, Dir. de la Sûreté Intérieure des Territoires--
“- Entrez, commandant Garell, nous n’attendions plus que vous.”
Réagissant à l’invite formulée par le Directeur-adjoint de la Sûreté Intérieure des Territoires, sa principale Chargée de mission accompagna le commandant Garell jusqu’à la place qu’on lui avait assignée, autour de la tablée ovale où diverses huiles concernées par la sécurité et le renseignement avaient déjà pris place.
Quoiqu’un tour de table fût tout à fait superflu, Garell prit soin de saluer chacun nommément et par ordre d’importance de leurs titres.

S’ensuivirent la lecture, synthétisée par la Chargée de mission ministérielle, des rapports émanant des services mobilisés, puis l’exposé des mesures prises par le commandant Garell et les équipes coordonnées sous son autorité.

Force était de constater que le phénomène boursier survenu dans la matinée surpassait, par son ampleur, toutes les hypothèses envisagées, relatives aux activités plus ou moins “souterraines” parmi lesquelles on pouvait distinguer les signaux “dissidents”, émis depuis le darknet.

D’entre toutes les cibles faisant, jusqu’à présent, raisonnablement l’objet d’une surveillance pointue pour leurs notoires tendances “politiquement sensibles”, deux incongruités venaient de prendre soudain le dessus du panier, devançant même un groupe d’activistes assez bien identifiés, unis sous le nom de Las (p)arkas.

La première de ces cibles n’était autre que Sir William Edern Tolhurst, que son assassinat, apparemment fortuit, perpétré dans les locaux de l’hôtel Grangier, avait propulsé sur le devant de la scène.
D’une part, du fait que l’héritier des Grangier faisait déjà l’objet de soupçons, motivés par ses vues ouvertement contestataires de la mondialisation, ce dont attestent les orientations économiques de son groupe industriel et financier, toujours davantage, année après année. En l’espèce, l’annonce de profonds changements devant intervenir à la prochaine Assemblée Générale du groupe sont parfaitement connue des veilles étatiques, notamment de Bercy.
D’autre part, bien que faisant partie des forces spéciales en lien avec le MIT, le soldat de Sa Majesté Britannique était lui aussi connu pour afficher des visées résolument progressistes. Comte du Radnorshire, sa gestion politique de ce territoire en faisait souvent la démonstration.

La seconde de ces cibles procédait également des conséquences directes, liées à l’assassinat du lord gallois; il s’agissait d’un des membres de la Crim’ chargés de l’enquête pour le-dit meurtre : le major Zounia Ben Lemna.
Recrue de la police nationale, appréciée pour ses prouesses numériques, le major Zounia Ben Lemna avait manifestement repris contact avec Las (p)arkas, groupe avec lequel elle avait eu quelques fortes accointances du temps où elle était encore élève à l’école de police. 

“ - C’est un peu fort, tout de même ! Convenez-en, commandant, s’indigna sobrement le Directeur-adjoint : le major Ben Lemna ne nous a donné que des motifs de satisfaction, jusqu’à présent. C’est un agent assermenté et méritoirement médaillé, n’est-ce pas ?”
“- Certes, Monsieur Le Directeur-adjoint, rétorqua avec la même tempérance le commandant Garell, mais, une fois sollicitée par ses anciens camarades militants, lesquels semblent être passés à l’action radicale, pensez-vous qu’elle s’en souviendra, Monsieur ?”

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(*De-əvolution Ǝvents Enhancer : promoteur d'événements pronant la "décroissance")

>à suivre<
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 (merci, Annick ! T'as vu ? Je me régale)