Episode 27 - Quand c'est pas du gâteau... - ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ !

2 janvier 2021

Episode 27 - Quand c'est pas du gâteau...

Vingt-septième question : Voulez-vous du flan ?
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--Gizeh, Hôtel Al Nabila--
S’étant partagé, chacun selon son goût, les victuailles commandées pour leur collation, Cyn et son frère les dégustaient en devisant sur la suite des événements.
Un bip d’alerte sur le smartphone de Philipp les interrompit. Il prit le temps de le consulter tandis que sa sœur abouchait un loukoum trempé dans son thé noir.
“Nul doute que le Surfer devrait bientôt nous adresser le communiqué, affirma Philipp à sa Best-Only-Sis’-Ever (sa BOSE, ainsi qu’il avait coutume de l’appeler). L’agence de presse du Caire est en stand-by, ton cher Sophro’ me l’a confirmé à notre arrivée, manifestement. Simplement, le réseau en a différé le transfert sur mon mobile. Je viens de le recevoir.”
Cyn finit sa bouchée gourmande avant de rétorquer, boudeuse :
“- C’est moi sa fiancée et c’est à toi qu’il s’adresse en premier. Un comble de goujaterie, non ?”
“- Allez, ma BOSE ! Tu ne vas pas en faire un flan, tout de même. Je te rappelle que je suis en charge de la communication pour le groupe, dans cette partie du monde. Il est donc logique que mon patron adresse ce document à son analyste préféré, en vue de son adaptation pour diffusion via notre agence locale.”
“- Le document est en pièce-jointe, s’étonna vivement Cyn ? Ce n’est pas très prudent, si ?”
“- Pas exactement, corrigea Philipp. En réalité, Sophronyme a joint un lien crypté. Dès que le Surfer l’aura validé, je pourrai le télécharger. Tu m’aideras pour le décodage, si tu y tiens. Comme ça, tu auras eu ta part.
“- Je veux, mon n’veu ! grogna Cyn en reprenant une pâtisserie orientale, grassouillette à souhait.”
“- Eh ben, s’exclama Philipp ! Toi qui disais devoir faire attention à ta ligne pour entrer dans ta robe de mariée…”
“- Ouais, bon. Ça va, ça va… capitula Cyn, la bouche pleine et les lèvres huileuses.”

Ce ne fut qu’en début de soirée que le Surfer “autorisa” le transfert du document. Le surfer n’étant autre que Daryll, soit Dee, le leader du groupe Las (p)arkas qui officie dans les méandres du darknet.

Quelques instants plus tard, Cyn et Philipp relisaient ensemble le communiqué attendu. Ils en surlignèrent les principaux passages, pour les indiquer prioritaires à la diffusion avant d’en confier le traitement par l’agence média locale du groupe Grangier & Baumann.

“QUAND LE TERREAU L’EMPORTE SUR LE TERRAIN”
Une déclaration d’intentions rédigée par Le Collectif A.G.A.P.E

Cette déclaration se destine à être entendue par le plus grand nombre.
Elle vient étayer quelques-unes des raisons qui ont prévalu à l’opération de holding, tout récemment menée sur les principales valeurs boursières, à travers le monde. Cette prise en main des places financières a été réalisée aussi agressivement qu’il est possible de le faire, selon les lois plus ou moins tacites du système capitaliste dont il s’agit, en réalité et à l’échelle globale, de démontrer toute l’iniquité du modèle en usant de ses propres armes, pour mieux les retourner à son encontre.

Ceci n’est pas un exercice !
[...]

C’est un acte de rébellion qui en annonce et en appelle d’autres.
La mainmise du Real-Val sur les places boursières est une réalité qui vient sonner le glas de la mondialisation au profit de la mondialité.
De sorte que, là où la mondialisation ne fut jamais qu’un système virtuel de références globales, la mondialité sera toujours une vive et réelle appartenance au monde.
[...]

Nous affirmons simplement que “tout peut se faire ou se défaire avec l’argent, tant qu’à la valeur de l’argent correspond une activité réelle, utile et bénéfique.”
Cette valeur, c’est le Real-Val.

Pour aujourd’hui, en voici la devise : “Qu’importe le terrain tant qu’il y a du terreau.”

Signé : Le Collectif A.G.A.P.E - “Action Globale pour l’Aspiration des Peuples à l’Equité”

> Télécharger l'intégralité du communiqué A.G.P.A.E (.pdf) <

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Après avoir reformulé le laïus aux fins de le rendre audible au-delà des publics lettrés de la capitale égyptienne, Philipp expédia trois versions (dont une pour diffusion radiophonique) à l’agence de com’ locale du groupe Grangier & Baumann. La campagne globale, prévue pour le lendemain (soit dans deux heures à destination des premiers faisceaux horaires disponibles), ne manquerait pas d’atteindre son objectif : secouer les consciences ! Celles des peuples, avant tout. Celles des puissants, plus variablement, selon qu’elles sont ouvertes à l’opportunité de rompre avec le modèle dominant… ou non.

“- C’est formidable, quand même, se réjouit Cyn ! Dire que nous sommes parties prenantes d’une telle alternative, alors que, ce matin encore, le monde végétait dans son fatal engourdissement. Si tu ne m’avais pas initiée à l’urgence de cette bascule, je me demande ce que j’aurais pu en penser, il y a de cela quelques années, quand j’étudiais encore le droit international.”
“- Yep! For sure, ma BOSE, souffla Philipp sur le pamphlet tapuscrit qu’il avait en main. J’éprouve, malgré tout, deux profonds regrets, sœurette.”
Interloquée, Cyn lui adressa un regard interrogatif. Auquel Philipp répondit sur un ton à la fois mélancolique et empreint de certaine ironie qui le caractérise tant :
“- D’abord, j’aurais aimé voir la tronche qu’aurait faite Karl Baumann - que pourrisse son âme damnée ! Mais, surtout, j’aimerais qu’Anne-Sophie fût encore parmi nous pour jouir de ces instants cruciaux. Tu te rends compte, BOSE ? La réalisation de sa vision faisant ses premiers pas à travers le monde perverti, qu’elle avait en horreur et qu’elle s’est employée, habilement, agissant sous le couvert quand elle était en pleine lumière, à insuffler autour d’elle, pour que s’animent les divers leviers qu’elle savait porteurs du changement nécessaire.”
“- Oui, acquiesça Cyn avec gravité. Grâce lui sera rendue. Je l’espère.”
“- Même si ça foire, il est certain que son signal entrera dans l’Histoire, appuya Philipp, repliant le feuillet pamphlétaire entre ses doigts. Comme celui de Louise Michel, par exemple.”

L’un près de l’autre divaguant en silence, dans le fauteuil “conversation” de leur suite luxueuse, le frère et la sœur s’assoupirent dans la nuit méditerranéenne où l’hiver se donnait des airs de printemps… arable.

--Paris, commissariat du IIème arr.--
" Dites... Vous avez vu les infos, patron ?
Le commissaire Varlotta fut brutalement ramené de ses propres conjectures à celles, plus triviales, de son quotidien policier. L'agent Fortin avait profité de ce que la porte du bureau fût ouverte pour apostropher ainsi son supérieur.
"- Ma foi, non, adjudent, s'étonna mollement Varlotta, le poing encore fermé sur ses lèvres.
"- Ben, c'est un joyeux bazar, cette histoire de Real-Val, chef, s'exlama respectueusement l'OPJ. M'est avis, qu'on va sur une belle série de nuits chargées, monsieur."
En se tordant le cou, Varlotta pouvait entrevoir une partie de l'écran média agitant ses clignotements saccadés depuis la salle de détente, qui fut autrefois celle d'une agence pour l'emploi. Confortable, donc. Constatant les brûlots frénétiques dont divers journaux rapportaient les survenues explosives à travers les cinq continents, Henri Varlotta lâcha un lent souffle de résignation.
"- Boh, grogna-t-il, fataliste. Ils auront trouvé un nouveau moyen de ne pas rester comme deux ronds de flan, voilà tout. Tout ça va retomber comme un soufflet, vous verrez, Fortin."
"- Ben... C'est pas trop ce qui se dit, chef; sauf votre respect, monsieur : ça sentirait plutôt le roussi, en fait... Le cramé, même plutôt, osa rétorquer l'agent Fortin."
"- Allons, allons... le reprit Varlotta; balayant la remarque et l'incident de la main, le chef des opérations et enquêtes de la Brigade Criminelle ajoutait, moins à l'adresse de son subalterne que du plafonnier : Du flan, tout ça... Du flan !"