À vos styl’Oh #3

22 avril 2023

Une prose à hics commise pour l’atelier de Sabrina Peru, dite Sabri Na, intitulé :
"À vos styl’Oh, écrivez comme vous êtes #3"
Avec la consigne suivante :
- utiliser cet incipit 'Pika Shu refusait de manger son poke bowl. Depuis hier, il...'
- employer tout ou partie de cette liste de mots : fleur de sureau, fleur de lotus, fleur de sel et fleur de peau.
- incorporer une expression florale extraite de ce blog.
(oui bon, j'en ai mis un peu beaucoup...)

SAKURA : SA PERTE !

Pika Shu refusait de manger son poke bowl. Depuis hier (il y a de cela un siècle, donc), il se torturait l’esprit, sa tempe droite et le peu d’ongles qu'il lui restait.

Il y a de cela un siècle, Pika s’était fendu d’un gros bouquet à la fragrance doucereuse pour se rendre auprès de Misha Sui - souris dont il était gravement épris, avec la ferme intention de lui conter fleurette.

Tout le quartier, où Misha résidait, fleurait déjà bon, deci delà, les exhalaisons émanant des buissons, des arbres, des parterres, car les premiers jours du printemps achevaient pour de bon l’hiver - et sans lui faire de fleur, à lui ! Ha ! Ha ! On fêterait bientôt Sakura !!
Mais, Pika s’en réjouit alors, les notes parfumées de son bouquet étaient si subtiles qu’elles surclassaient de loin - même de près, ce festival printanier.
Fleurs de lotus, fleurs de sureau, de cérisier, prunier, grenadier - allez donc…! resteraient au ras des pâquerettes, quand Pika remettrait à Misha son précieux cadeau, certes à l’eau de rose, mais faisant montre d’une délicatesse attentionnée.

Il allait ainsi, la fleur au fusil, livrer la plus incertaine des batailles; de celles qui n’ont pas le prix des choses; de celles dont la victoire sème de roses le chemin de la vie. Il allait devant lui, au-devant d’elle, confiant dans l’espoir que sous les épines se cachent des roses.

Parvenu au bord du jardinet précédant la porte d’entrée de la maison de Misha, Pika rajusta un brin sa mise, avança à pas mesurés, avant de faire tinter la clochette argentée - qu’il préféra aux cuivres du heurtoir, question de ton.

Quoiqu’ils fussent tous deux entrés dans la fleur de l’âge, lui avait conservé des enthousiasmes juvéniles dans un corps soigné, quant à elle, outre son teint de rose, était toute fraîcheur, d’esprit comme d’humeur - et je vous dis cela sans charrier dans les bégonias…

Pika se noyait à présent dans son poke bowl.
Il était la Bête plongeant du regard dans la mare pour apercevoir Belle vaquant au quotidien, chez son vieux père…

Misha, comme une fleur, lui avait ouvert, l’avait dévisagé de pied en cap, avant qu’une ombre n’embuât soudain son œil pourtant clair. Pika piqua du nez dans son bouquet craignant qu’il ne se fût flétri, lui aussi, du même coup.
Avant qu’il n’ait seulement recouvré assez d’aplomb pour lui adresser son salut, Pika s’entendit réprimandé, vertement :
“Allons, Pika ! siffla Misha entre ses dents d’une blancheur de lys, la famille avait dit ‘Ni fleurs, ni couronnes’. C’est bien grossier de ta part que de mettre les autres convives dans un tel embarras, quand eux ont su respecter notre désir de sobriété.”

Pika en resta bouche bée, tandis que la porte se fermait sur l’aimable visage de Misha qu’il n’avait jamais vu aussi pâle. Il en avait les nerfs à fleur de peau !

Quelle fleur de nave ! Quel idiot ! Mais quel idiot, il avait été, de se pointer comme une fleur et sapé pour un banquet, en plein jour de funérailles… chose qu’il aura omis de noter sur son calendrier. Misha l’en avait certainement tenu informé, simplement, ce jour-là, à force d’effeuiller la marguerite, son esprit était allé cueillir des pâquerettes.

Et son poke bowl de ricaner :
“Tu vois, Pika, il y a bien des épines sous les roses.”