À vos styl’O #1
Une prose à hics commise pour l’atelier de Sabrina Peru, dite Sabri Na, intitulé :
“À vos styl’Oh, écrivez comme vous êtes #1”.
Avec, pour consigne : ...Il faudra donc une histoire, où placer cette phrase : LES ENFANTS SONT D’UN TOTALITARISME et les mots CANARD / GONFLÉE / DÉDAIGNEUX / INDOCHINE, inventer une expression bien à vous*, et tout ceci autour de la thématique LES PETITES REINES.
Le héraut d’Indochinistan
à Célestine Troussecotte•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
une grande amie en plein dé-lire
à ma fille Alice
qui reprend le flambeau
à tous les académiciens en culottes courtes
qui se reconnaîtront
Mademoiselle Cybelle, professeur.e des écoles dans le public (et célibataire encore mal à l’aise avec son homosexualité, dans son espace privé), s’épongeait le front où pointaient des sourcils interloqués, semblant ne plus vouloir redescendre vers leurs ourlets orbitaux. Dessous, une paire d’yeux verts, encadrés par des boucles rousses, s’écarquillaient au possible.
“Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, malgré tout ?” s’interrogea à mi-voix, la maîtresse du CM2.
Elle avait en main la copie remise par le petit Sophronyme. La composition écrite devait observer la consigne donnée à la classe, le précédent vendredi, selon le libellé suivant :
- Pour un pays de votre choix, décrivez ce que vous en savez et racontez ce que vous en imaginez; votre copie ne devra pas excéder une feuille A4, recto/verso; vous pouvez choisir votre style de narration : romanesque, journalistique, théâtral…etc. mais vous devrez vous y tenir du début à la fin. Bon week-end. -
Mademoiselle Cybelle relut depuis le début.
INDOCHINISTAN
Les Petites Reines règnent sur des gens géants
dont les enfants laquent des canards
auprès dès mares
au bord des étangs
En leur pays d’Indochinistan
c’est bientôt fête du Nouvel An
La copie lui tomba littéralement des mains pour atterrir avec légèreté sur son bureau, placé à gauche du tableau blanc, face à la porte.
“C’est génial, en fait !" s’exclama-t-elle dans un souffle.
Elle se saisit à nouveau du feuillet pour l’emmener en Salle des Profs.
Arrivée là, Mlle Cybelle y trouva Gil Cabbiaud, du CE2, Alexa Krasnoya, du CM1 (qui lui faisait tant battre le cœur) et le directeur, Jean Vitoux. Les autres membres de l’équipe officiant dans la cour de récréation, en ce frais matin de printemps.
“- Salut, Estelle, l’accueillit le toujours enjoué Gil Cabbiaud. Percevant son trouble, il ajouta toutefois : tout va bien ? C’est quoi que tu tiens, là ?
“- Un trait de génie, s’enthousiasma Estelle.
“- … De l’un de tes élèves ? s'enquit Alexa, agréablement surprise.
“- Ce serait bien étonnant, bougonna le directeur, dédaigneux comme il avait coutume de l'être.” Il demeura dans son coin, près de la fenêtre, un œil sur la cour, tandis que les deux collègues de Mlle Cybelle l’entouraient pour voir la copie du petit Sophronyme.
“Non mais, t’as vu ce passage !” pointa Alexa. Elle lut à voix haute :
Les canards protestèrent bien un peu
"...qu’ils se seraient bien laqués tous seuls..."
"...ainsi que tous en avons l’habitude..."
Ça caquetait, ça cancannait et sans ambage !
Ça n’obtiendrait pas davantage
car, pour la fête, une certitude :
ils se devaient de paraître au mieux
“Il a copié ça d’où ?” ironisa depuis son coin, le directeur. Puis, se retournant vers le trio, il persifla : “Mademoiselle Estelle, votre enthousiasme n’aurait-il pour égale que votre naïveté ? Ou bien, gonflée d’orgueil, cette duperie vous aveuglerait-elle ? Comment pouvez-vous seulement imaginer qu’un enfant de dix ans, issu de notre ZEP, fasse montre d’aucun talent littéraire. Allons… Allons…”
Sur ce, il reprit sa faction matinale, le nez à la fenêtre.
Contenant mal son émotion, Mlle Cybelle répliqua :
“Vous pensez bien que j’ai vérifié, M. Vitoux. Rien de semblable n’apparaît sur aucun moteur de recherche. Cet écrit est un original, c’est certain.”
Dans son coin, le directeur haussa les épaules, sans mot dire.
Prenant la copie des mains d’Estelle, Cabbiaud releva la morale finale :
Pour les canards, nulle rébellion
sauf à passer pour des terroristes !
Les enfants sont d’un totalitarisme
que craignent eux-mêmes leurs parents géants
C’est ainsi, en Indochinistan
“- Fabuleux !
“- Subliminal !
“- Cathartique ! s’ébahirent de concert les trois collègues, pas peu fiers de leur découverte.”
Et, pointant du doigt les initiales inscrites en bas de page, en manière de signature, Alexa s’étonna :
“- Et qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, en fait ? Tout de même pas... ?!
“- Je m'en suis étonnée, tout pareil ! Tu penses bien que je vais le lui demander, sitôt revenu de la récré, lui assura Estelle Cybelle.”
Quelques instants plus tard, Sophronyme Grangier se tenait devant le bureau de sa maîtresse qui l’interrogea in petto :
“Avant tout, Sophronyme, j’aimerais que tu m’expliques ces initiales, en bas de ton texte; ce sont celles du véritable auteur, c’est ça ? Pas celles de monsieur le directeur, tout de même !?!”
Sans se départir de sa moue habituelle, le garçon s’offusqua :
“- Mais c’est moi, l’auteur, Mademoiselle.
“- Eh bien, que signifient ces lettres, alors : J. V. ?”
Les yeux de l’élève s’éclairèrent soudain, singulièrement.
“Déjà, ça se prononce JiVé, comme dans “j’y vais”, vous voyez, commença-t-il, presque avec malice.”
Avant de conclure, magistral, cette fois :
“Et puis, comme je voudrais être poète, plus tard, je me ferai appeler Jean Vigo; j’inventerai une école où il n’y aura plus aucun zéro. Où les élèves seront tous mes hérauts !”
*Quant à l'expression bien à vous, je l'espère transversale, Sabrina ;)
tiniak ©2023 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
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