Episode 30 - Ça renarde fort le lièvre ici, non ?
Trentième question : Pouvez-vous me décrire plus précisément cette odeur ?
Voyez plutôt... et retrouvez les autres contributions à l'atelier FEUILLETON proposé par AnnickSB, PAR ICI !
--Rue Weber, Paris XVIème arr.--
Bien qu’il eût actionné divers leviers et fait valoir quelques retours d’ascenseur, le lieutenant Robert Merle n’avait pu “loger” son binôme, le major Ben Lemna, vue la dernière fois, la veille au matin, dans les locaux de la Deuxième Brigade Criminelle, dirigée par le commissaire Henri Varlotta. Autant dire qu’il avait remué ciel et terre, mais était demeuré bredouille.
Et voilà que la principale intéressée venait de lui donner réponse !
Zounia était à Caen, chez sa mère.
Nul doute là-dessus. L’appel-visio qu’ils venaient d’échanger lui en avait donné l’assurance, car Robert s’était déjà rendu chez Hafida et le papier peint, aperçu dans le dos de son interlocutrice, était bien celui de la chambre de Zounia. Elle n’y était d’ailleurs pas seule. De ça aussi, il en était certain. Un furtif coup d'œil de Zounia par-dessus l’écran, destiné à quelqu’un d’autre dans la pièce, le lui avait signalé. D’autant que ce regard avait précédé la phrase que Robert avait bien du mal à digérer, à présent.
Zounia lui avait dit, en substance : Je ne rentre pas de sitôt, Bob. Si je rentre jamais, en fait. J’ai beaucoup mieux à faire désormais.
S’en était suivi un regard troublant de Zounia, à son adresse, cette fois. Regard dont il n’arrivait pas à décider s’il relevait d’un truchement destiné à lui indiquer qu’il démentait ce propos ou s’il en appuyait une sorte de détermination ironique. Varlotta aurait su faire la différence, sans doute. Lui, pas. Et ce constat sans conteste plongeait le lieutenant de police dans une rage sourde.
Elle avait dit “Bob”, quand même. C’était pas rien ! Ça pointait vers leur complicité partagée, non ? Donc, c’était une ruse, hein ? Une ruse, bien sûr… Quoi d’autre ? Car, sinon, cela signifiait que le major Zounia Ben Lemna dérogeait, peut-être définitivement, à ses prérogatives policières. Pour quoi ? Vers quoi ? Rejoindre ses anciens partenaires du darknet ?
--Une heure plus tard, sur les Grands Boulevards--
En ce frais matin de novembre, ces pensées accompagnèrent l’enquêteur jusqu’à l’entrée de l’office située à l’arrière de l’hôtel Grangier. Mandat en poche, Robert Merle s’apprêtait à faire un carnage sous le nez de ce cher monsieur Finlunn, pilote en chef du personnel de maison, agissant pour le compte de la fortunée famille, réduite à son seul héritier : Sophronyme Grangier. Lequel ferait partie du carnage. Non, mais !
Parvenu dans l’arrière-cour de l’immeuble haussmannien, Merle y trouva une employée prenant sa pause cigarette. Il se réjouit secrètement de cette entrée en matière avant l’entrée, proprement dite, et celle à enquêter sur le meurtre par empoisonnement de Sir William E. Tolhurst, survenu l’avant-veille.
Après lui avoir fait montre de ses papiers officiels, badge et mandat en sus, l’enquêteur assermenté endormit la soubrette de propos anodins avant de l’entraîner sur ses souvenirs de la soirée ou de ce qui avait pu s’ensuivre et lui paraître inhabituel.
“Eh ben, main’nant que vous me l’dites, inspecteur… commença la jeune femme.”
“Pas inspecteur, bougre d’idiote gavée aux séries TV : lieu-te-nant, maugréa Robert intérieurement.”
“- Main’nant que vous me l’dites, je pense à truc, mais ça a sans doute rien à voir, hein ? poursuivit la soubrette.
“- Eh bien, dites toujours, mademoiselle. Tout m’importe, en réalité, l’invita l’officier en mode renard fouineur, mais servant du ‘mademoiselle’ bien policé à celle qui s’en trouvait fort aise, à l’évidence.
“- Alors voilà, se lança l’assistante aux cuisines, juste depuis le… ‘fin, vous voyez, inspecteur, depuis après le… drame, le pain, ben, il a un drôle de goût.”
Robert Merle nota sur son carnet cérébral cette information qui s’avérerait d’importance. Il en mettrait sa main au four !
Le croyant dubitatif devant son assertion, la jeune femme insista :
“- Je vous assure monsieur… Pardon, inspecteur… Même que m’est avis que ça vient du four, en fait. Y a comme une odeur, dedans.”
La petite avait tout sauf l’air d’un courtier en assurances, mais sa franchise était aussi libre que manifeste. Robert Merle en était ravi. Quelle belle surprise, après ce début de matinée si catastrophique !
Il investigua plus avant. Mais pas trop, pour l’heure.
“- Intéressant… Fort intéressant, mademoiselle. Bravo ! s’exclama-t-il d’abord, avant de demander : Pouvez-vous me décrire plus précisément cette odeur mademoiselle, s’il-vous-plaît ?
“- Vous allez vous moquer… répliqua la jeune femme, un rien boudeuse.
“- Qui ? Moi ? fit mine de s’indigner l’enquêteur. Mais non ! Je suis suspendu à vos lèvres, mademoiselle.
“- Bon, lâcha la jeune femme avec la résolution d’un sauteur à la perche devant l’obstacle. Voilà… Quand j’étais petite, les gars de mon bloc, ils cramaient des chats, des rats ou des chiens dans les cont’neurs des poubelles du sous-sol. Eh ben - rapport à la graisse ou aux poils, est-ce que je sais, moi ? c’est qu’ils ont pas la même odeur, au final.
“- Et donc… selon vous… ? l’encouragea le lieutenant Merle.
“- Bon, ben… Pour moi, hein ? Ce serait plutôt du chien, affirma la soubrette.”
Robert Merle jubilait.
Le fin limier le savait : avec ce chien, il avait levé un foutu beau lièvre...
FIN DE LA PREMIERE PARTIE
"On est-y pô bien, là, Annick ?"
(à suivre, bientôt : la DEUXIÈME PARTIE)
___
[précédent]
ou
<< retour migratoire pour les 'blogspot.com'<<
Pour embrasser tout le fil du feuilleton.
tiniak ©2021 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK