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3 janvier 2021

Episode 14 - Où Merle en vint...

Quatorzième question : "Vous comptez payer comment ?" 
Voyez plutôt... et retrouvez les autres contributions à l'atelier FEUILLETON proposé par AnnickSB, PAR ICI !


Episode 14 - Où Merle en vint...

--Paris, Hôtel Grangier, IIème arr. 10h25, ce même jour--

“- Mais, dites-moi… C’est que ça fleure rudement bon, par chez vous, Maître George !”

L’officier Merle exagérait à peine son enthousiasme, tandis que, précédé du maître d’hôtel George Kinlunn, il gravissait les trois courtes marches menant au cellier des cuisines de l’hôtel Grangier.
Sur u
n ton des plus affables, le policier poursuivit son laïus de prise en main.
"- Maître George, mm ? Car c’est bien ainsi qu’il est d’usage de vous appeler, n’est-ce pas ? Je l’ai relevé dans les dépositions recueillies auprès de quelques-uns des membres du personnel. Vous permettrez donc que je vous appelle ainsi : maître George, oui ?
“- Mais je vous en prie, inspecteur. Faites donc, approuva l’Irlandais circonspect.
“- Eh bien, vous me ferez le plaisir de m’appeler lieutenant Merle, en ce cas. Question qu’on soye sur la bonne fréquence, d’accord ?” balança Merle sur un tout autre ton, où vibrait une ironie amère, pour ne pas dire acerbe. 

Maître George ne savait plus trop quoi penser du singulier policier auquel il avait affaire. Son langage… dissonant, son allure bonasse et ses regards tour à tour appesantis par quelque indolence ou aiguisés comme un couteau à huîtres… ses manières disparates… Tout cela décontenançait quelque peu le rigoureux petit homme, d’ordinaire à l’aise dans sa tenue de maître d’hôtel, mais dont il ne savait plus très bien si elle remplissait son emploi. A savoir le poser, lui, dans sa fonction, laquelle lui valait le respect, la plupart du temps.
Il sembla à maître George que l’officier de police incarnait intrinsèquement l’expression populaire : “c’est-y du lard ou du cochon ?”

Dans la cuisine, l’agent Merle chargé d’approfondir et d’élargir autant que possible l’interrogatoire du personnel de la maison Grangier, y alla de plus belle.
“- Ravissant… Ravissant… Tout à fait ravissant… Et quel ordre ! Une ordonnance toute fonctionnelle, c’est évident, continuait de s’extasier à outrance l’enquêteur. Une chatte n’y perdrait pas ses chatons, pour sûr. Mais le lieu ne se prête guère à la présence d’animaux vivants, n’est-ce pas ? A des fins domestiques ou sentimentales, je veux dire.”
Maître George ne releva pas l’allusion. Il entreprit plutôt de présenter au policier les employés affairés à leurs tâches quotidiennes.
L’heure du repas de midi était imminente.

L’officier Merle ne sortit pas son calepin. “Inutile.”
En revanche, chaque fois qu’il serrait une main, parmi la demie douzaine d’autres personnes à l'œuvre à ce moment, le policier prenait un soin tout particulier à imprimer, dans son esprit, un visage pour chacun des noms qu’il connaissait déjà, ayant appris la liste du personnel par cœur. La plupart avait été, par ailleurs, brièvement interrogée au lendemain matin du meurtre. Les “inconnus au bataillon” se trouveraient dans les étages.
Or, en recoupant les dépositions du personnel de cuisine, les collègues de la brigade criminelle avaient pointé qu’une classification “tacite” s’ajoutait, voire se substituait au simple organigramme décrivant l’ordinaire. Ainsi, les employés de cuisine, qui n’ont pas accès aux étages, étaient les Gens d’En-Bas, par opposition aux Gens d’En-Haut, affectés au service et à l’entretien des pièces “habitées” du reste de l’immeuble. A la notable exception près du premier étage, accessible uniquement par le propriétaire, son majordome et les personnes extérieures autorisées. L’entretien y était totalement mécanisé. En outre, chaque trimestre, mais de façon aléatoire, une entreprise assurait certaines “finitions”.

“- Vous souhaitiez donc voir la cave, insp’... lieutenant Merle. C’est par ici.”
Emboîtant sobrement le pas à maître George, l’enquêteur se fit la réflexion que c’était “un foutu labyrinthe, ce sous-sol”. Il lui faudrait étudier les plans du lieu avant d’y revenir la prochaine fois, s’adjura-t-il.
Tous deux entreprirent de faire le tour complet de la cave à vin. Par la droite, comme il convenait.
“- Vous n’avez pas de maître de chaix à demeure, c’est juste ? demanda Merle, tandis qu’ils revenaient sur leur pas.
“- Eh bien non, il n’en vient que sur demande de M. Grangier, confirma Kinlunn. A cause de la grande variété de crus, vous comprenez bien.”
Merle opina du chef en songeant cependant : “Que dalle, mais qu’importe”.

Question dalle, l’une, connue de tous ici sauf du lieutenant Merle, saillait un peu de ce côté gauche du trajet de retour vers la sortie de la cave à vin. Et Merle tomba brutalement de sa superbe quand son talon l’accrocha. Chutant vers l’arrière, il ne put rien maîtriser de son corps et son poignet droit heurta le cercle supérieur d’un tonneau où trônait une bouteille de Bordeau, millésimée 1983. Laquelle suivit le mouvement et alla se briser sur le sol, répandant soudain son unique parfum poivré.
Merle n’eut d’autre alternative que de s’en foutre effrontément ou se confondre, et bien à contre-cœur, en plates excuses. Ce qu’il fit en se relevant péniblement.
Maître George, trop heureux de recouvrer son autorité habituelle, lui asséna, malgré tout ce flot d’excuses contrites, un cinglant :
“- Deux K dépensés en un rien de temps ! Vous m’impressionnez, lieutenant. Je ne vous en savais pas capable. C’est chose faite, bravo. Et vous comptez payer comment ? railla-t-il sous une politesse excessive et vengeresse.”
Piqué au vif, Robert Merle mobilisa tout son cynisme pour lui répondre.
“- Oh, mais ne vous en inquiétez pas, Kinlunn. Notre brigade y pourvoira. Vous n’imaginez pas l’ampleur de notre enveloppe ‘à mettre plus à perte qu’à profit’.”
Tous deux optèrent, dès lors, pour un silencieux (quoique sentencieux) compromis.

Ils étaient presque rendus à leur point d’entrée dans la cave, quand l’enquêteur s’arrêta devant la porte, close par scellés, du local aux dégustations.
Une main sur les scellés, prête à les arracher, Merle, à présent qu’il s’était assuré de le pouvoir, lâcha la pique qu’il ruminait depuis tôt ce matin, au bureau.
“- Et voici donc la seule pièce par laquelle on puisse sortir le chien sans passer par les cuisines, dit-il comme s’il triomphait d’une énigme à la Rouletabille.
“- Pardon, lieutenant ? Vous dites ? s’étonna vivement le maître d’hôtel.
“- Tatata… fit Merle, intimant le silence à son vis-à-vis.”
Puis, l’officier arracha les scellés, ouvrit la porte grand et pénétra dans le réduit.
“- Ah bah, non ? Pas moyen de sortir par là non plus, dites donc ! Ni vous, ni moi… Ni même un chien !” s’exclama Robert Merle.

Savourant le moment de suspens qu'il avait créé, Merle infligea à Kinlunn le coup de grâce :
"- Ben oui, quoi. Il est 
où passé votre chien mort ? Emporté par le même poison que ce lord gallois, mort le même soir, dans vos si luxuriants locaux. Pas au même étage, d'accord. Mais alors, Médor... Où donc l'est-y passé votre clébard, Mon Bon ? Car nous avons établi qu'il est bien mort ici. D'avoir goûté moins la substance que le nectar. Là. Juste là, au pied de ce barril. Alors, Médor... Ok, Mon Bon, d'accord. Mais dort où ?"
Sous ses yeux ronds écarquillés, un large sourire espiègle fendait de part en part le visage bonhomme du policier, voyant blêmir celui, aussi austère qu'embarrasé, du maître d’hôtel.

"- Bon, c'était sympa la visite. De L'En-Bas, comme vous dites. Mais, c'est pas tout ça. J'irions bien voir les étages, maintenant. Mon Bon, ordonna sans vergogne l'obstiné lieutenant de la Crim'.
"- C'est que... J'ai des consignes, monsieur. Personne ne doit..., sans Pass... bredouilla maître George.
"- Et là ! Il est clair mon Pass, Mon Bon, non ? Ou bien ? répliqua Robert Merle, plaquant sur le nez du maître d’hôtel, quasi liquéfié, son badge d'officier de police, assermenté et bien attiraillé contre les réfractaires à l'autorité de l'Etat français."

pol21-f_bouteille-de-vin-brisée

***
>à suivre<
___

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!bonus vid!

 


tiniak ©2021 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK


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Il s'agit là d'une nouvelle et fort émoustillante stimulation à produire du récit que nous propose AnnickSB, sur son Atelier en question(S)...

J'y réponds volontiers, car l'exercice, consiste à réaliser un feuilleton au fur et à mesure de questions (im)posées, prévalant, l'une après l'autre, à chacun des chapitres; cela me pousse à sortir de ma "zone de confort" (mes poLèmes) pour explorer davantage ma "prose à hics".
Je prends un plaisir fou à écrire ce feuilleton.
J'espère qu'il rencontrera votre plaisir de lire.

 

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Commentaires
T
Je l'avoue, j'ai un faible pour ce personnage. Lui et Art'So me permettent de défouler sévère !
Répondre
A
Qu'est-ce qu'il me plaît ce Merle aussi acéré qu'il a l'air bonasse ! Et puis chez ces gens de la haute, il me semble qu'il joue volontiers le rôle de l'éléphant dans un jeu de quilles ! Un Colombo revisité franchouillard !
Répondre
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  • Ma poLésie est une aporie animale et smirituelle que je vous offre de caresser, à l'impromptu. D'accord, j'ai la paronomase au bord de l'asyndète, mais je me soigne aux vers ! TANT QUE DURERA LA GUERRE !! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ ! ⓁⓄⓋⒺ !
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(manifeste poLétique

Poésie ! Poésie ! Tout naît en poLésie !

...le fleuve débitant sa musique immuable...

...le goûter qui mûrit au fond de mon cartable...

...le livre qui m'oublie et peuple mon chevet...

...la raison vacillant au détour d'un sonnet…

 

poLésie, mon pays, où n'est que poésie !

...la rue qui va son train vers l'Autre, à son endroit...

...la pierre de Caen nue, orangée par le soir...

...le balcon dégarni par un soudain hiver...

...au front de la mairie le trident délétère...

 

Poésie sans parti que d'être bonne amie

...me déflorant, tu m'aimes...

...et t'effeuillant, je sème...

...rien n'est plus indicible…

 

poLétiquement pris de fièvre inassouvie

...je te crie sur mon bras...

...tu t'écris sous mon pas...

...nous sommes l'Un Possible...

 

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